CCB/VP
08.11.11
VOTER : UN DEVOIR ET UNE CHANCE
Même lorsqu’il exerce ou se déplace en meute, l’avocat demeure un animal solitaire. Seul avec son client qui se confie ; seul au moment de mettre en ordre les pièces multiples d’un dossier confus ; seul face à son dictaphone ou à son écran lorsqu’il doit transformer l’informe matériau en raisonnements et en justes demandes ; seul lorsqu’il se lève devant les juges pour les éclairer et s’efforcer de les convaincre ; seul face à sa conscience au moment de prendre en charge ou de dissuader, d’affronter ou de renoncer.
Quelle singulière destinée que la nôtre ! Nous construisons pour autrui l’avenir qui lui sera profitable ; nous recevons l’aveu de ses secrets au moment de le réconcilier avec la vie ; il remet entre nos mains son honneur, son bien, sa liberté. Il attend de nous la transformation de son quotidien chaotique ou douloureux en une bonne fortune ou en une espérance neuve.
Nous aimons passionnément cet incroyable service qui fait de nous des « passeurs d’hommes », selon le si joli mot de Jean-Marc Varaut que je ne cesse de me redire.
Mais notre solitude nous rend fragiles. Exposés au regard des autres, notre liberté, faite de grandeur et de contraintes, est sans cesse menacée par les soucis du quotidien, les aléas économiques, les assauts de mercenaires ou de braconniers qui n’ont que faire de nos règles morales, les tentatives toujours renouvelées des pouvoirs cherchant à nous contraindre à chaque fois que nous leur opposons des limites.
Nous avons donc besoin les uns des autres et c’est un des paradoxes de notre profession : chargés d’intérêts opposés, nous passons notre vie à nous confronter les uns avec les autres. Mais nous avons le plus grand besoin d’être unis face au monde pour faire prévaloir les droits de chacun à s’exprimer, à s’allier ou à se défendre dès que ses libertés fondamentales sont en péril.
C’est à cela que servent les Ordres. Boucliers des avocats, ils sont, en même temps, les régulateurs déontologiques. C’est parce qu’ils veillent au respect des règles qu’ils garantissent la liberté d’exercice de chacun.
Les membres du Conseil de l’Ordre sont les mandataires des avocats et deviennent, à l’occasion, leurs juges dans les formations disciplinaires. En l’absence des Ordres, nos solitudes individuelles ne résisteraient pas au minotaure étatique qui, de temps à autre, rêve de nous couper la langue ou d’en finir avec cette indépendance qui nous fait juges de nous-mêmes. Les Ordres sont là pour résister aux intrusions illégitimes dans l’espace sacré de nos institutions ordinales, garantes de notre morale professionnelle et des secrets dont nous sommes les dépositaires.
Le récent arrêt de la Cour de cassation selon lequel l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ne ferait pas bénéficier du secret les lettres échangées entre l’avocat et ses instances ordinales vient de porter une atteinte gravissime au devoir qui est le nôtre de partager avec le bâtonnier ou ses délégués les confidences reçues sans que soit trahi le droit de chaque citoyen à une relation secrète avec le confident de son choix.
Vos Ordres se battent pour que la loi en tienne compte.
Donc votez !
Par souci d’unité, la profession, voici vingt ans, a provoqué la création du Conseil National des Barreaux. C’est une sorte de parlement où s’expriment, sur tous les grands sujets qui intéressent la profession (et donc le service des autres), les représentants des Ordres de toute la France, des associations ou syndicats d’avocats dans lesquels se reconnaissent, en raison de leurs exercices variés et différents ou de leur sensibilité politique, tous les avocats de notre pays. Au CNB, la loi a confié le soin de représenter la profession toute entière auprès des pouvoirs publics, de définir les règles déontologiques en les rendant toujours plus efficaces dans un monde qui bouge et de veiller à la formation des futurs avocats.
Qui peut prétendre que nous n’ayons pas besoin de l’unité quand nos concurrents (et amis !) savent marcher allégrement du même pas rythmé dès qu’il s’agit de défendre leurs intérêts ?
Donc votez !
Le 6 décembre aura lieu, à Paris le renouvellement d’un tiers des membres du Conseil de l’Ordre, et, dans toute la France, l’élection des membres du CNB pour les trois années à venir.
Chacun de nous a le droit de dire, selon les formules consacrées : « Que fait l’Ordre ? Que fait le CNB ? ». Mais pour que la réponse soit légitime et qu’il soit indigne de ne pas y répondre, il faut au moins avoir voté. On ne peut se plaindre d’être seul quand on ne saisit pas la chance de construire l’unité. Et l’on ne saurait demander de comptes qu’aux mandataires que l’on a choisis.
Donc votez !
Christian Charrière-Bournazel
Ancien bâtonnier du barreau de Paris
Vice-président élu du Conseil National des Barreaux