CCB/VP
21.02.06
PRÉFACE
Voici un livre tout à fait original. Un chirurgien andrologue et un philosophe abordent, sous une forme dialoguée à la Platon, les questions de société les plus difficiles à appréhender et à résoudre.
Sous le titre Sexualité, famille, procréation, ils s’efforcent d’élaborer une pensée libre qui, sans ignorer les dogmes religieux ou les a-priori sociaux, ne tiendrait de réponse que de l’observation raisonnée. Nous savons depuis Pascal que si la pensée humaine est « grande », elle est aussi tragiquement « sotte » (ce sont ses mots). Aussi nos auteurs, à aucun moment, ne sombrent-ils dans les approches théoriques ou abstraites.
Au contraire, ils ne cessent jamais, sur aucun sujet, d’opérer un va et vient prudent de la nature à l’humanité. L’observation de ce qui est conditionne à chaque instant les hypothèses qu’ils hasardent. Leur démarche n’est pas celle de Descartes ne se fiant qu’à sa raison, mais plutôt celle de Claude Bernard dans son Introduction à la physique expérimentale. À ceci près que tout objet de leur étude n’est pas simplement biologique ou scientifique, mais se révèle toujours mêlé de présupposés religieux, juridiques ou sociaux qu’ils enserrent comme une gangue dont ils s’efforcent de le libérer.
Ils ne se posent ni en zélateurs ni en contempteurs d’aucune école, d’aucune chapelle, d’aucune famille de pensée.
Ils observent, ils analysent, ils cherchent un ordre.
Pour autant, ils ne se situent pas hors le champ de toutes valeurs. Bien au contraire. La liberté avec laquelle ils ne laissent aucun sujet dans l’ombre, depuis le plaisir partagé jusqu’au viol, de l’homosexualité à la famille monoparentale, de la procréation au clonage, a pour principe et pour finalité la personne humaine comme source et but de toutes démarches scientifiques ou morales.
On peut ne pas partager avec eux telle ou telle analyse ou telle ou telle conclusion sur des sujets aussi difficiles que l’avortement ou le sort des embryons. Il n’est cependant pas possible de ne pas leur rendre hommage pour la qualité de leur travail, l’attention portée à cette conscience qui distingue l’homme et la femme des autres créatures et à cette ambition pour la personne humaine d’être toujours plus digne de l’absolu dont elle a l’intuition, sans cesser d’être elle-même, soumise à la nature. Le sous-titre de leur ouvrage : « Faut-il obéir à la nature ? » fait écho à la phrase de Francis Bacon : « On ne commande à la nature qu’en lui obéissant ».
Michel Schouman et David Simard démontrent qu’aucune réponse catégorique ne ferme une question posée quand il s’agit du mystère insondable de la vie. Ils nous font penser au recteur Poincaré qui disait : « Plus le cercle de nos connaissances s’élargit et plus se multiplient nos points de contact avec l’inconnu ».
Le grand mérite de ce dialogue ne réside pas dans les réponses qu’il contiendrait. Ce qui le rend riche, ce sont les analyses extrêmement minutieuses de deux esprits cultivés nous invitant à parcourir avec eux des espaces dont ils nous font découvrir l’irréductible étendue.
Christian Charrière-Bournazel