Le secret professionnel de l’avocat, faut-il encore le redire, n’est pas un privilège mais un devoir pour l’avocat.
Toute personne en démocratie a le droit de faire appel en toute sécurité à un confident qui ne la trahira pas. Ce dépositaire du secret ne saurait devenir le complice d’actions illégales, ni le receleur du produit d’un crime ou d’un délit. Mais chaque individu doit pouvoir exprimer à un conseil compétent, avisé et soucieux de sa déontologie, ses espoirs, ses craintes, et même ses fautes.
Sans cette liberté fondamentale, il n’y a pas de démocratie. Le secret, érigé en norme fondamentale et absolue par la Cour européenne de justice, installée à Strasbourg, ne peut subir d’atteinte que de manière exceptionnelle, notamment lorsqu’il peut exister des charges contre un avocat donnant à penser qu’il ait pu participer à une infraction ou lorsque l’avocat est mis en cause et qu’il doit se défendre.
Les exceptions au caractère absolu du secret ne peuvent être que strictement nécessaires, étroitement limitées et contrôlées par les ordres d’avocats et les juges.
Or, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 octobre 2012, a jugé que des feuilles de papier remises par un avocat à ses clients, avec qui il venait de s’entretenir, avaient pu légitimement être saisies par un chef d’escorte avant qu’elles ne soient remises aux intéressés. Selon elle, à défaut d’enveloppe, ces feuilles de papier ne pouvaient pas être tenues pour des correspondances de sorte qu’il n’y aurait pas eu d’atteinte au secret professionnel.
Une telle jurisprudence n’est pas acceptable.
L’avocat qui communique avec son client par oral ou par le biais d’un billet qu’il lui fait remettre doit être assuré, comme l’intéressé lui-même, que cette communication ne sera interceptée par personne. Des jurisprudences anciennes avaient clairement interdit à la justice de tenir compte d’un aveu exprimé par un prévenu à son avocat dans une correspondance qui avait été saisie par la censure et transmise à un juge d’instruction. Le principe est donc clair.
Aujourd’hui vient de s’établir une distinction byzantine entre la lettre sous enveloppe et la feuille remise sans enveloppe. Demain peut-être sera-t-il question de l’épaisseur de l’enveloppe, de sa forme, de sa couleur ? On n’ose l’imaginer.
Lorsqu’un principe fondateur d’une société démocratique, consacrée comme telle par la plus haute juridiction européenne, se voit aussi subtilement remis en cause pour des questions d’intendance matérielle subalterne, c’est sa mort qui s’annonce.
Nous devons, comme avocats, ne rien concéder sur ce point. On ne badine pas avec l’absolu !
Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel
Président du Conseil national des barreaux