La garde-à-vue constitue une mesure d’une gravité exceptionnelle : alors qu’une personne n’a fait l’objet d’aucun jugement et qu’elle est donc présumée innocente, elle est cependant privée de liberté.
Cette exception portée à la liberté fondamentale d’aller et venir est strictement encadrée par la loi :
– elle n’est légitime que s’il existe des charges donnant à penser d’une personne a pu commettre, comme auteur ou comme complice, un crime ou un délit ;
– elle répond à trois objectifs : éviter la concertation entre l’intéressé et des tiers (témoins ou complices) ; empêcher la destruction de preuves ; maintenir l’intéressé à la disposition de la justice ;
– la garde-à-vue, en ce qu’elle attente à un droit fondamental, doit être en permanence sous le contrôle d’un juge.
L’habeas corpus, dont la paternité revient à l’Angleterre, confère à toute personne privée de liberté le droit d’être immédiatement présentée à un juge qui, seul, peut légitimer cette mesure de sûreté qui met en échec la présomption d’innocence. Au surplus, l’avocat est présent aux côtés de la personne interpelée dès son arrestation.
En France, la faculté pour la police de s’assurer d’une personne soupçonnée d’une infraction existe depuis toujours, la filialité de cette mesure étant la présentation, dans les délais les plus courts, à un magistrat instructeur. Dans toutes les agglomérations dotées d’un poste de gendarmerie ou de police, se trouvait une pièce dénommée « chambre de sûreté » où l’on mettait ainsi en rétention des personnes qui pouvaient faire l’objet d’un jugement.
Pendant tout le XIXème siècle, l’instruction se déroulait hors la présence
d’un avocat.
Le jour où la loi imposa la présence de l’avocat dans le cabinet du juge d’instruction, la phase préliminaire du processus judiciaire a pris, petit à petit, une importance de plus en plus grande : les policiers ont procédé aux premiers interrogatoires hors la présence d’un avocat, et ce jusqu’à aujourd’hui.
La décision de placement en garde-à-vue appartient à l’officier de police judiciaire. C’est lui qui décide, pour les nécessités de l’enquête, de placer en garde-à- vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Le policier est tenu d’informer le procureur de la République dès le début de la garde-à- vue. Le parquet intervient seulement au bout d’un délai de vingt-quatre heures si l’officier de police judiciaire estime qu’il faut prolonger la garde-à-vue.
Depuis une loi du 4 janvier 1993, la personne peut demander à s’entretenir avec un avocat au cours d’un entretien confidentiel. Toutefois, cet entretien ne peut excéder trente minutes. Il a lieu dès le début de la garde-à-vue et peut se renouveler lors de la prolongation. Mais ces deux entretiens successifs, dont naturellement l’avocat ne doit rendre compte à personne, se déroulent sans que l’avocat ait connaissance par quelqu’un d’autre que le gardé-à-vue des motifs de son arrestation et des charges sur lesquelles elle repose. Il ne connaît ni les déclarations des autres personnes concernées, ni n’a communication d’aucun élément du dossier.
Simplement, depuis la loi du 1er janvier 2001, la personne placée en garde-à-vue doit être immédiatement informée de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête. Mais alors que la loi du 4 mars 2002 obligeait la police à lui dire qu’elle avait le choix de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui étaient posées ou de se taire, ce droit lui a été retiré par une loi de 2003.
Pire encore : alors que nul ne peut être tenu de déposer contre lui- même, nombre d’officiers de police judiciaire font prêter serment, à la personne gardée-à-vue, de dire toute la vérité. La chambre criminelle de la cour de cassation n’a jamais estimé devoir annuler les procès-verbaux rédigés par la police en garde-à-vue, malgré cette atteinte au droit que constitue le fait de ne pas s’incriminer soi-même.
En Espagne, en Allemagne, au Danemark, en Italie comme en Angleterre, l’accès de l’avocat à son client est automatique dès l’arrestation et aucun interrogatoire ne se déroule sans que l’avocat ait été appelé à y assister, voire à y participer en posant lui-même des questions. Enfin, dans la plupart des États membres de l’Union Européenne, la personne est informée de son droit de garder le silence pour réserver ses déclarations à un juge.
La France, par rapport à ces démocraties voisines, se maintient dans un état d’arriération contraire à la réputation à laquelle elle prétend d’être la patrie des droits de l’homme. La police, sous n’importe quel prétexte, appréhende qui elle veut et décide souverainement du placement en garde-à-vue sans aucun contrôle préalable d’un magistrat. L’avocat, comme nous venons de le dire, n’intervient que pendant une demi-heure au bout de la première heure, sans être informé par qui que ce soit des motifs de l’arrestation, des infractions dont l’intéressé est soupçonné et, naturellement, sans avoir accès ni à ses premières déclarations, ni à celles des témoins éventuels. L’avocat ne reparaît ensuite qu’à la vingtième heure dans les mêmes conditions.
En matière de terrorisme ou de grande délinquance, le premier entretien d’un avocat avec l’intéressé, toujours sans aucun accès au dossier, n’intervient qu’à la soixante-douzième heure, c’est-à-dire après que se sont écoulés trois jours pendant lesquels l’intéressé est resté seul entre les mains de la police.
La grade-à-vue se déroule dans des locaux, la plupart du temps, sordides et attentatoires à la dignité humaine : cellule minuscule dotée d’une planche en bois pour le repos, odeurs nauséabondes de vomi et d’urine, couverture répugnante, traitements humiliants, absence de lieu d’hygiène et toilettes insalubres. Les fouilles à l’entrée sont précédées d’une mise à nu de la personne arrêtée ; sont confisqués les cravates, les lacets, la montre, les lunettes et pour les femmes, le soutien-gorge pour des motifs prétendus de sécurité, quelle que soit l’infraction dont la personne est soupçonnée.
Cette culture de l’humiliation est destinée, par les atteintes au corps et à la dignité, à obtenir des aveux grâce à l’asservissement de l’âme. Ce parti pris de la rudesse était d’ailleurs enseigné sans aucune équivoque aux élèves de l’école de police et y figurait dans leur manuel.
Les magistrats du parquet, censés contrôler les gardes-à-vue, sont dans l’incapacité de le faire en raison de leur petit nombre : à peine 2.000 en France pour un total de garde-à-vue de 577.000 en 2009, auxquelles s’ajoutent 300.000 gardes-à- vue pour des infractions routières. Chaque magistrat du parquet devrait ainsi pouvoir vérifier personnellement les circonstances de la garde-à-vue et sa justification à raison de 450 par an et par personne ! Très loyalement, les magistrats eux-mêmes reconnaissent qu’ils sont dans l’incapacité de procéder à ces contrôles et s’en remettent à la police lorsqu’elle demande l’autorisation de prolonger la garde-à-vue.
Lorsque l’on sait que 97 % des affaires jugées à Paris le sont à partir d’un dossier confectionné par la police, sans aucune intervention d’un juge d’instruction, qui n’est obligatoire qu’en matière de crime, la conclusion s’impose : la justice est étroitement liée par le dossier de police devenu celui de l’accusation alors que l’intervention de la défense et le débat contradictoire ne commencent qu’à l’audience. Il appartient alors au prévenu et à son avocat de se débattre, dans le laps de temps extrêmement court qui leur est réservé, contre les procès-verbaux de police confectionnés dans les conditions que je viens d’évoquer.
Le dévoiement de la garde-à-vue est encore plus sensible à propos des infractions routières : la pratique qui consiste à enfermer pendant des heures, et notamment la nuit, une personne dont le taux d’alcoolémie est légèrement supérieur à ce qui est autorisé (et très inférieur à ce qui était autrefois la norme) procède d’un abus criant. La convocation devant un tribunal pour répondre de l’infraction suffit accompagnée du retrait immédiat du permis ou l’immobilisation du véhicule. Comme il n’y a à craindre, ni pression sur des tiers, ni suppression de preuves, le test d’alcoolémie ayant été réalisé, rien ne justifie cette incarcération avant jugement : elle ne constitue rien d’autre qu’un abus de pouvoir que s’octroie la police en punissant une personne présumée innocente.
Ce transfert des prérogatives judiciaires vers les forces de police n’a aucune justification légale ni en droit interne, ni au regard du droit européen.
La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg a rendu une série d’arrêts qui ne laissent aucune ambiguïté. L’arrêt Salduz contre la Turquie, du 27 novembre 2008, déclare contraire au principe du procès juste et équitable tel que défini par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 un jugement de condamnation qui se fonde sur les déclarations incriminantes faites par un gardé-à-vue sans l’assistance d’un avocat. L’arrêt Dayanan contre la Turquie du 13 octobre 2009 a précisé en quoi consiste l’assistance de l’avocat : préparation de l’intéressé aux interrogatoires, prise de connaissance du dossier, assistance aux interrogatoires, soutien à la détresse de la personne en garde- à-vue et contrôle les conditions de sa retenue.
Plus récemment encore, l’arrêt Adamkiecwiz contre la Pologne, rendu le 2 mars 2010, a rappelé ces principes en y ajoutant le droit de garder le silence dont l’intéressé doit être informé. Il énonce :
« La Cour relève plus particulièrement que le premier interrogatoire du requérant par la police au moment de son arrestation, au cours duquel il avait avoué être l’auteur des faits, tout comme ses deux auditions subséquentes par le juge aux affaires familiales, ont été conduits sans que le requérant ait pu s’entretenir au préalable avec son avocat. Ainsi, les autorités sont entrées en possession de ses aveux incriminants et de sa description détaillée des faits du jour critique avant même que le requérant, censé bénéficier de la présomption d’innocence, ait pu être informé de son droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination. La Cour observe en effet qu’en l’espèce, il n’apparaît pas que les autorités aient elles-mêmes, avant de l’interroger, informé d’une manière quelconque le requérant de son droit de garder le silence et de consulter un avocat avant toute déclaration (voir, par analogie, Panovits précité, § 70).
Or, étant donné qu’à l’époque des faits le requérant était âgé de quinze ans et n’avait aucun antécédent criminel, il serait difficile d’affirmer qu’au vu de son âge, il aurait pu raisonnablement savoir qu’il avait le droit de solliciter l’assistance d’un défenseur ou qu’il aurait été capable d’apprécier les conséquences de l’absence d’une telle assistance lors de son interrogatoire où il était entendu en tant que suspect du meurtre d’un autre mineur (mutatis mutandis Talac Tunç c. Turquie, n° 32432/96, 27 mars 2007, § 60). La Cour note par ailleurs qu’au cours de cette période décisive pour l’issue de la procédure entière le requérant est resté isolé au foyer pour mineurs en étant de surcroît privé pendant un certain temps de contacts avec sa famille. Dans ses circonstances, pour l’équité de la procédure, le requérant aurait dû avoir un large accès à un avocat dès les premiers stades de la procédure (Magee c. Royaume-Uni, n° 28135/95, 6 juin 2000, § 39 ; Plonka c. Pologne, n° 20310/02, 31 mars 2009, § 38).
La Cour note qu’il ressort du libellé des décisions prononcées à l’égard du requérant que les éléments recueillis par les autorités au cours de l’instruction préliminaire ont été largement utilisés pour appuyer tant l’ordonnance de son renvoi en jugement que le jugement prononcé par le tribunal pour enfants. La Cour observe en particulier que les aveux initiaux du requérant, corroborés largement par ses déclarations subséquentes devant le juge aux affaires familiales, ont servi à fonder sa condamnation (Salduz précité, § 58)
Au vu de ce qui précède, il ne peut prêter à controverse que le requérant a été touché par les restrictions mises à la possibilité pour lui d’avoir accès à son avocat, puisque les éléments ayant servi à fonder sa condamnation avaient été recueillis en l’absence de son défenseur. Compte tenu de la jurisprudence Salduz, cette circonstance suffit à la Cour pour constater que le procès du requérant n’a pas été équitable.
Dès lors, il y a eu violation de l’article 6 § 3 c) combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention ».
Le 7 janvier 2009, le président de la République avait prononcé un discours devant la Grand Chambre de la cour de cassation laissant espérer une vraie réforme de nos pratiques et de nos textes : il avait déclaré vouloir substituer une culture de la preuve à une culture de l’aveu, inventer un véritable habeas scorpus à la française tout en affirmant qu’il n’y a pas lieu de craindre la présence de l’avocat le plus tôt possible dans l’enquête puisqu’il est astreint à une déontologie rigoureuse.
Le rapport de la commission Léger, achevé en mars 2009, c’est-à-dire postérieurement à l’arrêt Salduz de la CEDH et au discours présidentiel, a inventé une
« retenue judiciaire » de six heures, suivie, le cas échéant, d’une garde-à-vue au cours de laquelle l’avocat n’interviendrait qu’à la douzième heure, connaissance prise du dossier. Cette proposition de réforme maintenait donc la faculté de conserver dix- huit heures une personne dans les locaux de police sans aucune assistance d’un avocat. Ce rapport fut officiellement remis au président de la République à l’automne 2009. Deux comités furent alors créés sous l’égide de la Chancellerie, l’un à caractère politique, l’autre à caractère technique pour proposer les grandes lignes d’une réforme de la procédure pénale. On pouvait espérer, compte tenu des arrêts de la CEDH intervenus entre temps, que le rapport Léger serait totalement oublié et qu’une réforme profonde serait mise en œuvre.
Il n’en a rien été. La Chancellerie a fait intervenir son porte-parole pour affirmer que les arrêts concernant la Turquie ou d’autres pays ne s’appliqueraient pas à la France, provoquant ainsi l’intervention publique dans un quotidien du soir du président Jean-Paul Costa soucieux de rappeler que si une condamnation de la CEDH vise un pays particulier, en revanche les principes que chaque arrêt énonce s’appliquent à l’ensemble des quarante-sept États membres du conseil de l’Europe qui ont souscrit à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme du 4 novembre 1950.
Le projet de la Chancellerie prévoit une « audition libre » par la police de quatre heures, sans avocat, qui peut être transformée en garde-à-vue (à la demande même de l’intéressé !), l’avocat n’intervenant qu’à la douzième heure.
En matière de terrorisme ou de grande délinquance, le projet aggrave encore la situation actuelle : ce n’est plus à la soixante-douzième heure mais à la quatre-vingt-seizième heure qu’interviendrait l’avocat.
Les 29 mars, 31 mars et 1er avril derniers, s’est déroulé devant la chambre de la presse du tribunal de grande instance de Paris le procès engagé sous mon bâtonnat contre un syndicat de policiers en raison de propos outrageants à l’égard des avocats censés n’être que des « commerciaux dont les talents sont proportionnels aux honoraires qu’ils perçoivent ».
Ont témoigné au cours de l’audience dans le cadre de l’enquête civile organisée par la présidente, M. Alvaro Gil-Robles, ancien commissaire européen des droits de l’homme et avocat espagnol ; Lord Goldsmith sollicitor, baristor et avocat au barreau de Paris, ancien ministre de la justice de M. Tony Blair ; M. Von Mariassy, vice-bâtonnier du barreau de Munich mandaté par l’ensemble du barreau allemand pour parler en son nom ; enfin M. Vincenzo Siniscalchi, ancien bâtonnier de Naples et membre du Conseil supérieur de la magistrature italienne.
Tous ont expliqué que l’avocat, dans leurs pays respectifs, intervient dès le début de la première audition aux côtés de la personne gardée-à-vue, assiste à tous les interrogatoires et pose le cas échéant des questions. En matière de terrorisme, l’Espagne ne déroge aucunement à la règle, et ce depuis trente ans. Simplement, l’avocat est commis d’office sur une liste établie par le barreau pour éviter que les intéressés ne recourent à des avocats partisans.
En quoi la présence de l’avocat est-elle indispensable ? Est-elle de nature à entraver l’enquête ?
Toute personne étant présumée innocente jusqu’à ce qu’un jugement l’ait condamnée, la personne qui est arrêtée et placée en garde-à-vue ne doit pas être traitée comme un coupable. L’histoire judiciaire recèle mains exemples d’aveux obtenus en garde-à-vue, démentis après. Ont ainsi été commises des erreurs judiciaires dramatiques. Rappelons simplement le cas de M. Patrick Dils qui a effectué dix-sept ans de réclusion criminelle alors qu’il était innocent.
Cette coercition exercée sur la personne pendant son face-à-face avec la police judiciaire n’est plus possible si elle est assistée par un avocat. L’avocat est le témoin du processus en cours, de sa régularité comme de sa loyauté. De même, il vérifie que le procès-verbal soumis à la signature de son client retrace bien les propos tenus, alors qu’aujourd’hui des personnes gardées-à-vue sont appelées à signer sans qu’on leur ait restitué les lunettes qu’on leur avait confisquées au début de leur rétention.
L’avocat n’a pas à troubler l’interrogatoire : en Angleterre, s’il s’aventure à le faire, il peut être expulsé du local de police. Mais il doit pouvoir susciter des questions comme c’est actuellement le cas dans un cabinet de juge d’instruction. L’avocat n’a pas pour fonction de faire obstacle à la recherche de la vérité, mais il doit s’opposer de toutes ses forces à la mise en œuvre de coercitions, de pressions ou de manœuvres d’intimidation qui attenteraient au libre-arbitre des personnes qu’il accompagne.
Si l’on songe à l’exemple espagnol déjà cité, qui prévoit la présence de l’avocat dès le début de la garde-à-vue, même en matière de terrorisme, on constate que l’Espagne n’est pas pour autant livrée à l’anarchie, que les bandes organisées n’y tiennent pas le haut du pavé et que les criminels, dont ce pays a plus à souffrir que la France, sont néanmoins jugés et condamnés.
Au demeurant, la question est d’ores et déjà tranchée sans ambiguïté par la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg : qui s’aventurerait à prétendre qu’elle est composée d’anarchistes ou de factieux qui n’ont ni le sens du droit, ni le souci de la sécurité ? La Cour, au contraire, s’inscrit très exactement dans la ligne de la Déclaration de 1789, de la Déclaration universelle de 1948 et de la Convention européenne de sauvegarde du 4 novembre 1950 à la rédaction desquelles des Français ont pris une part essentielle.
Ainsi, loin de porter avec fierté l’héritage des droits de l’homme qu’elle avait légué au monde, la France est-elle aujourd’hui dans un état d’arriération insupportable. Nos gouvernants sont incapables non seulement de devancer l’histoire, mais simplement de s’aligner sur elle. Nous subirons tôt ou tard la honte d’être condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme qui a été installée sur le sol de France à Strasbourg en hommage aux rédacteurs de la Déclaration de 1789.
La prise de conscience s’est cependant réalisée : ici et là, depuis plusieurs mois, dans un « désordre de courages », pour reprendre le mot d’André Malraux caractérisant les débuts de la Résistance, des juges ont annulé des procédures au regard de gardes-à-vue illégales. Ce mouvement se double aujourd’hui d’un recours systématique aux questions prioritaires de constitutionnalité posées devant les juridictions par des avocats confrontés à des gardes-à-vue contraires aux droits fondamentaux.
Notre honneur sera sauvé par les juges du quotidien et par les membres du Conseil Constitutionnel. C’est du moins le vœu que forme le barreau unanime.
Christian Charrière-Bournazel
Ancien bâtonnier de Paris
Vice-président élu du Conseil National des Barreaux