Ce 3 novembre 2012, le bâtonnier Mario Stasi s’en est allé. Malgré la gravité de son mal et son inéluctable issue, il avait conservé la même voix claire et enjouée et parlait de l’avenir comme si de rien n’était.
Orateur d’exception, il avait été premier secrétaire d’une promotion de la Conférence du stage prestigieuse qui comportait notamment Michel Blum, Jean-Pierre Cordelier, Denys Duprey, Henri Leclerc et Philippe Lafarge, futur bâtonnier lui-même.
Associé longtemps avec celui qui fut son père dans l’ordre de la Conférence, le bâtonnier Jean-René Farthouat, et qui demeura son ami, il a été pour nombre de générations le symbole d’un engagement toujours enthousiaste et d’une jeunesse perpétuelle.
À la rentrée de la Conférence, il avait fait l’éloge de Pierre Masse, ce qui me conduisit tout naturellement, lorsque je fis apposer en 2009 un médaillon à son effigie dans les couloirs du palais, à demander à Mario Stasi d’évoquer à nouveau cet ancien premier secrétaire, avocat, membre du Conseil de l’Ordre, sénateur et martyr parce que juif.
Bâtonnier de l’Ordre en 1986 et 1987, il s’attacha notamment à donner la vie à la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune (la CIB) qu’avait créée son prédécesseur, le bâtonnier Guy Danet, et qui venait à peine de naître. Il me fît l’honneur de m’y associer ainsi que Roger Doumith. Cette magnifique institution doit tout au sens de la fraternité qui animait Mario Stasi.
La CIB, dont il fut pendant 25 ans le Président puis le secrétaire général, regroupe les barreaux francophones d’Europe, d’Afrique, d’Amérique et d’Asie. Elle est l’instrument d’échanges et d’entraide. À chaque fois que nécessaire, les avocats se portent main forte d’un continent à l’autre aussitôt que les droits de la défense sont en péril.
Nous n’avons pas oublié le premier congrès qui se tint en Afrique, au Togo, en 1987. Le bâtonnier Mario Stasi avait chargé Bruno Chain et moi-même de l’organiser. Il y prononça un discours fondateur d’une exceptionnelle qualité : sous l’impulsion de Mario Stasi, nous avions rédigé la Convention universelle de sauvegarde des droits de la défense en ayant une claire conscience que, grâce à l’humanisme et à l’engagement fraternel du bâtonnier Stasi, nous devenions tous tribuns de la Plèbe universelle dans une solidarité totale avec tous nos confrères d’un bout à l’autre du monde. Telle est la postérité de Mario Stasi.
Chaleureux, souriant et toujours accessible, il dissipait les amertumes, les réticences, les frilosités : cet éternel jeune homme avait le don d’éclairer les visages les plus fermés et de faire s’ouvrir les cœurs.
Nous nous souviendrons jusqu’à la fin de sa démarche alerte, de son sourire amical et de son éloquence chaleureuse.
Puissions-nous ne jamais le perdre de vue, continuer à marcher sur ses pas, puis à ses côtés, coude-à-coude, sur la route lumineuse qui n’aura pas de terme.
Christian Charrière-Bournazel