Le gouvernement turc vient de récidiver.
Après l’arrestation des avocats des inculpés kurdes, toujours emprisonnés, la mise en examen de leurs propres avocats, le procès intenté contre le bâtonnier Kocasakal, bâtonnier d’Istanbul, poursuivi pour pression sur la justice parce qu’il a demandé à des juges d’écouter plaider des avocats, voici que quarante-cinq confrères turcs viennent d’être interpellés au palais de justice de Caglayan à Istanbul il y a vingt-quatre heures. C’est le procureur général qui a requis ces arrestations. Elles ont eu lieu avec violence au cœur même du palais, alors que ces avocats étaient rassemblés pour la lecture d’un communiqué de presse relatif à la situation des droits de l’homme en Turquie et aux récentes émeutes.
Appuyée par des unités spéciales, la police a essayé de faire sortir manu militari les avocats rassemblés.
Des policiers casqués dissimulant leur matricule à l’aide de papier collant ont battu des avocats. Le membre du Conseil de l’Ordre mandaté par le barreau en cette circonstance, Me Hasan Kilic, a lui-même été arrêté.
Vers 22h00, tous ont été libérés après examens médicaux, vérifications et relevés d’identité.
Le bâtonnier d’Istanbul et le nouveau président de l’Union des barreaux turcs se sont rendus au palais. Ils y ont été reçus par le procureur Turan Çolakkadi vers 14h30. Mais la mobilisation continue et des risques d’affrontement sont à prévoir ce 12 juin à midi.
Le gouvernement turc montre une nouvelle fois son mépris absolu des libertés, des droits de la défense et du barreau tout entier. Non seulement le gouvernement turc compromet chaque jour son intégration à l’Union européenne, malgré l’intérêt même et les éminentes qualités de son peuple, mais il foule aux pieds allégrement les libertés fondamentales énoncées dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme du 4 novembre 1950 qu’il a ratifiée et dans la Charte fondamentale des droits de l’homme.
Le gouvernement turc ose encore siéger au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
Le barreau français demande à nouveau au Conseil de l’Europe et à la Cour européenne de justice de suspendre les représentants de l’État turc de toutes les institutions européennes dont d’ailleurs ils auraient dû démissionner d’eux-mêmes par attachement aux valeurs qu’ils sont censés y défendre.
Puissent nos gouvernements et nos représentants s’émouvoir avec force et poser eux-mêmes des actes signifiant la solidarité de la France avec ceux qui se battent pour leur dignité.
Qu’ils méditent la phrase de Lamartine : « Je suis concitoyen de tout homme qui pense : La liberté, c’est mon pays ! »
Bâtonnier Christian Charrière-BournazelPrésident du Conseil national des barreaux |